HINAULT, l'année d'avant
:
1974, c'est la dernière année amateur (et la
première) de Bernard Hinault avant de se lancer dans le grand
bain du professionnalisme, en 1975. Pendant cette année,
il est toujours licencié au C.O. Briochin, le club de ses
débuts. Il fait aussi partie du groupe sportif Juaneda, dirigé
par André Le Guilloux, maillot bleu et jaune.
Début de saison en 3 et 4 :
De retour du service militaire avec 10 kg en trop, Hinault entame
la saison en 4ème catégorie. Dans l'album de Cyclisme
International "Le Blaireau vous salue bien", il évoque
une première victoire en février mais je n'en ai pas
retrouvé la trace dans le journal Ouest France. Le palmarès
publié par la revue néerlandaise Wielerrevue parle
de victoire à St Perreux . C'est peut être la victoire
du début de saison.
Le début de saison est perturbé par l'épizootie
de fièvre aphteuse qui s'étend en Bretagne. En mars
à Plessala, des tracteurs barrent la route pour empêcher
les voitures des coureurs et des spectateurs de venir, de peur de
la contagion. Enfin, début avril, il y a une journée
de deuil national après le décès de Georges
Pompidou, le président de la République.
14 avril 1974 : 1er à Laniscat d'une 3-4 J, les 96
km en 2h57'
Le 28 avril, il participe à la réunion d'attente du
Ruban Granitier au vélodrome de Rennes :
6ème de l'omnium et 2ème de l'Américaine avec
Michel Colombier.
2 au 5 mai Hinault chez les Belges, Circuit Franco-Belge
:
Il n'était pas prévu qu'il s'y engage mais devant
sa grande forme, Dédé Leguilloux, son directeur sportif
chez Juaneda l'a mis dans l'équipe. Il y avait aussi une
équipe de Lorient avec Germain Guillaouic, champion de Bretagne
73.
- Il se classe 40ème de la 1ère étape à
3'55" du premier. Il est un peu déboussolé dans
ces courses qui se jouent dès les premiers km.
- Dans l'avant dernière étape, un clm, il se classe
2ème derrière Steels. Il devient la révélation
de l'épreuve. Au point qu'un Belge veut l'inviter à
passer 2 mois chez lui pour s'habituer à courir avec les
Belges.
En mai, il travaille encore comme magasinier depuis son retour
du service militaire.
14 au 18 mai 1974 - Route de France :
Avant la Route de France, il n'est encore que 3ème catégorie.
Or, cette course organisée par Jean Leulliot n'est ouverte
qu'aux 1ère et 2ème caté. Le comité
Bretagne lui fait un papier à montrer à l'organisateur,
certifiant qu'il avait marqué suffisamment de points pour
monter en 2ème catégorie.
- 1ère et. : 1er Hubert Linard, Hinault m.t. dans le peloton.
Il a participé à la 2ème attaque de la journée
et a ramené le paquet dans le dernier km.
- 2°et a : Montée du Puy de Dôme :1er Berthillot…7.
Hinault à 54". C'est lui qui a fait tout exploser à
3 km du sommet. Il a coincé à 1 800m de la banderole.
Il était content de sa course mais se reprochait d'avoir
attaqué trop tôt.
- 2°et b : Clermont Vichy : dans le peloton
- 3.et : 1er Joël Gallopin…Hinault dans le peloton à
45". Il est tombé au 70ème km, mais rien de grave.
- 4.et : EXPLOIT DE HINAULT, titre Ouest France. 83 km d'échappée
et 1" à l'arrivée. Il était sorti du groupe
de tête parce qu'il s'y ennuyait. Dans les 15 derniers km,
la course suivait de longues lignes droites, vent de face. Hinault
a résisté au peloton et au vent malgré une
avance qui n'a jamais dépassé les 3'. En plus, il
déclare qu'il y a toujours cru : 1er Hinault, 2. Mauvilly
à 1"
- 5°et clm : 1er Laurent 2. Hinault à 39"
Après son exploit, beaucoup pensaient et Wiegant le DS de
Michel Laurent le premier, que Hinault allait payer la note de son
solo fabuleux dans le clm. Et bien non, il se classe encore 2ème
avec un vélo moins perfectionné que celui de Laurent.
CGF : 1er Laurent (ACBB) 2. Hinault à 1'06" 3. Vallet
à 1'14" - Hinault 2ème aux points.
Après la route de France, il participe de nouveau
à des courses de "3 et 4", car il a toujours sa
licence de 3ème catégorie ! Il gagne donc en mai à
Kergrist-Moelou et Moustéru. Les 2ème et 3ème
de ces courses ont porté réclamation. Il sera déclassé.
9 juin 1974 : manche du Triomphe Breton à St Lormel,
175 km
1er Hinault 2. Jean Paul Maho 3. Touche.
Hinault a lâché ses compagnons d'échappée
dans la dernière bosse. Les 3 premiers sont passés
au contrôle anti-dopage. "Bernard Hinault, la locomotive
de la nouvelle génération" commente Ouest France.
Pendant la course, il a souffert de points de côté.
16 juin 1974 : Triomphe Breton à Laniscat
A 30 km de l'arrivée, 7 hommes ont plus d'1' d'avance sur
le peloton. C'est le moment choisi par Hinault pour sortir de l'arrière
et boucher le trou d'une minute en 5 km ! Et c'est lui qui repart
pour provoquer la cassure définitive. Il emmène dans
sa roue Jean Paul Maho et Quémard, "le rusé".
C'est Quémard qui l'emporte.
1er Quémard 2. Maho 3. Hinault à 10".
23 juin 1974 : Championnat de Bretagne sur piste à
Rennes
Hinault gagne 2 titres, le km d'abord et la poursuite ensuite, à
45' d'intervalle.
km : 1er Hinault en 1'15"1, 2. Hubert 1'15"5, 3. Jacky
Quentin 1'16"1.
poursuite : 1er Hinault 5'15", 2. Claude Buchon 5'30",
3. Gérard Seigneur 5'33".
Fin juin-début juillet : Tour de Tarragone en Espagne
Hinault gagne la 1ère étape au sprint. Piégé,
il perd son maillot jaune dans la deuxième étape.
Dans la 3ème étape de montagne, il est 14ème
à 2'. Vexé, le soir il parle de revanche. Dans l'avant
dernière étape, 2 de ses équipiers, Jacky Hamon
et Marcel Rault s'échappent et finissent dans cet ordre pour
gagner l'étape.
Finalement, Hinault se classe 16ème à 4'41" du
vainqueur.
On note que pour sa première année amateur, il n'a
pas eu peur de sortir de ses frontières pour se confronter
à d'autres cyclismes.
7 juillet 1974 : Championnat de Bretagne
1. Alain Meslet (G.S. La Hutte), 2. André Chalmel à
2'50", 3. Morvan (Hennebont), 4. Renard (UC Guinefort), 5.
Duchemin (OCC Laval).
Et Hinault ? Il fut très actif mais aussi très malchanceux.
Il a percé, il a cassé sa roue libre. Il fut pris
de crampes quand il voulut organiser la chasse derrière Meslet
et abandonna.
Un maillot tricolore : Championnat de France de poursuite
En demi-finale, Hinault bat Aubey un pistard, qui était parti
plus vite que lui.
En finale, il rencontre Bonno (Nord) qui a battu Mongeard, le tenant
du titre. Au départ, il invite le public "Mettez 10
000F [anciens bien sûr, soit 100F] sur moi et vous gagnerez."
Hinault part vite, on entend dire "il va s'effondrer, c'est
de la folie !". Mais il se connaît bien et boucle les
4 km en 5'10"8 contre 5'17"6 à Bonno. Il est sélectionné
pour le Championnat du Monde de Montréal "M. Gérardin
me l'a promis" mais pas pour le championnat de France sur route
(le comité Bretagne est le seul responsable).
Aux photographes qui le cadrent quand il enfile son maillot tricolore,
il dit " Ne vous affolez pas, gardez de la pellicule pour plus
tard…quand j'aurais le maillot arc-en-ciel." Malheureusement,
au Championnat du Monde. à Montréal, il est éliminé
en série avec 5'14"38, même s'il bat et rejoint
le Canadien Ray Fondse après 3,5 km.
Il connaît un passage à vide après le Mondial.
On le retrouve vainqueur le 8 septembre chez lui à Yffiniac
et c'est son futur coéquipier Pascal Poisson qui gagne la
course cadet.
Le 10 septembre il court à Bégard : 1er Daunat
J.Claude (H.C., VCG Lannion), 2. Le Denmat (UCB) à 25",
3. Hinault (COB) m.t., 4. André Chalmel m.t.
1ère sélection en équipe de France pour l'Étoile
des Espoirs.
Le 16 septembre 1974, au critérium de St Brieuc, remporté
par….Cyrille Guimard, Robert Leroux et B. Hinault annoncent
qu'il va passer pro chez Gitane. Il voudrait même passer pro
dès l'Étoile des Espoirs. Malheureusement, le règlement
de la FFC précise que le néo-pro doit passer pro avant
le 26 août. Après cette date, il doit attendre le 1er
janvier.
22 septembre 1974 : GP de France clm
1er Perret, 2. M. Laurent, 4. Hinault à 2'39". Le Breton
est déçu de sa performance. Pour Ange Roussel, c'est
un coureur qui s'améliore au fil des jours. Selon lui, il
aurait certainement gagné s'il avait couru la veille.
29 septembre 1974 : Erquy : 3ème Hinault, victime
d'une maffia "renforcée" qui a juré sa perte.
Dans ces conditions, une 3ème place, c'est pas si mal.
2-5 octobre 1974 : l'Étoile des Espoirs
l'Étoile des Espoirs, organisée par Jean Leulliot
(Paris Nice, la Route de France, le Trophée des Grimpeurs)
se court autour de Fougères, en Ille-et-Vilaine.
8 équipes sont inscrites : Bic, Peugeot, Sonolor-Gitane,
Raleigh, Frisol, Merlin-Flandria, l'équipe de France amateur
dirigée par Robert Oubron (Guy Leleu, André Chalmel,
Pianaro, Hinault, Alain Meslet, Louis Coquelin, Lucien Tarsiguel,
Christian Muselet, Denié, Poissenot) et une équipe
régionale : Marcel Boishardy, Hauvieux, Roger Legeay, Mattioda,
Martin Martinez, Lechatellier, Hochart, Tosi, Genthon.
Dans l'équipe Merlin, Cyrille Guimard était forfait
depuis plusieurs jours quand, la veille du départ, il se
décide quand même à prendre le départ.
Son coéquipier Michel Coroller glisse vers l'équipe
de régionaux, comme il est normand. Il était donc
vraiment écrit que Guimard et le futur "Blaireau"
avaient de se rencontrer….
- 1ère étape : Mortagne-au-Perche –Fougères
: 1er W. Teirlinck, 2. Guimard à 1'42". Hinault finit
dans le gros peloton à 2'25". Etape sous la pluie. Beau
numéro de W. Teirlinck.
- 2°et a : Fougères – St Martin de Landelles :
1er Schuiten..3. Guimard à 1". Hinault dans le peloton.
Hinault s'échappe au départ, comme il en avait l'habitude
chez les "3 et 4" ! Et qui voit-il rappliquer sur lui
? Maurice Le Guilloux, son ami et voisin mais aussi et surtout,
dans le contexte de la course, le coéquipier du leader, Teirlinck.
Ils avaient déjà fait route ensemble pour faire le
trajet St Brieuc-Mortagne, mais là le voyage se passe moins
bien. Le D.S. de Le Guilloux lui interdit de rouler ce qui déçoit
Hinault. Est-ce sous le coup de l'énervement, toujours est-il
que Hinault rate un virage, va tout droit dans une cour de ferme,
rentre sous un hangar, heurte une charrette pour finir sa course
dans la paille, Ouf !
- 2°et b : clm de 20 km.
1er Roy Schuiten en 29'35", 2. Hinault à 58", 4.Guimard
à 1'16"
Ouest France écrit : "Exploit hors du commun, Hinault
qui n'a pas 20 ans, bat tous les pros [sauf Schuiten quand même].
Hinault, sur un 52x13 a confirmé qu'il était bien
l'un des grands espoirs du cyclisme breton." Une façon
aussi pour lui de montrer à la maffia d'Erquy, le dimanche
précédent, sa valeur seul contre un chrono. Il se
demande aussi, comment il a bien pu perdre le G.P de France, 15
jours avant.
- 3°et : St Brice en Cogles – Fougères : 1er Guimard
..5 Hinault m.t.
"IL sprinte aussi", s'exclament les observateurs, "IL"
c'est bien sûr Hinault qui pense qu'il aurait encore pu mieux
faire dans cet emballage "Je pouvais gagner une place".
4.et : Fougères-Fougères (184 km) : 1er Roland Smet
2. P. Béon 3. Guimard 4. Hinault m.t.
C.G : 1er Schuiten 2. Teirlinck à 9" 3. Guimard à
1'11" 4. Bourreau à 1'25" 5. Hinault à 1'46".
Commentaire de Maurice Quentin, un ancien coureur : "Quel
culot, il n'a pas froid aux yeux. Non content de se retrouver avec
Guimard, Teirlinck, Ovion et Schuiten, il les attaque et les nargue".
Comme il l'a fait au ravitaillement à Melesse dans la dernière
étape. "Il roule, il grimpe et après 200 km
il est encore là. C'est vraiment un espoir."
Hinault aurait voulu aider Guimard à gagner la dernière
étape "Mais encore fallait il qu'il me le demande
! Il faut que les choses soient bien définies."
Le lendemain, jour du GP des Nations a Angers, il était
l'invité de l'émission télévisée
"Sport en Fête", à la place de B. Bourreau
qui était prévu. Il y était très intimidé,
pas comme sur le vélo.
Le numéro souvenir de Cyclisme International montre une photo
de Bernard Hinault vainqueur d'une course à Toulon en fin
de saison, avec dans le fond des arbres qui ont perdu leurs feuilles.
Je n'ai pas retrouvé cette course dans les journaux.
A la fin de cette année 1974, il se classe 12ème
de la Palme d'Or Merlin, classement par points réalisé
sur l'ensemble de la saison amateur. Pourtant, au moment du championnat
de France de poursuite, il se déclarait confiant à
Robert Pajot, le spécialiste du cyclisme amateur à
l'Equipe, et espérait remporter le Trophée. Un petit
échec pour une saison bien remplie et pleine de promesses.
sources : Ouest France, La Bretagne Cycliste,
Cyclisme International et Wielerrevue (remerciements à Bruno
Vanbastelaere)
Merci à Dominique Turgis.
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